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Artpreneur: entendre entrepreneur des arts, Djamile Mama Gao, poète, slameur, journaliste… propose l’art avec une innovation prépondérante avec une volonté de rallier de nous âmes à la culture. Béninoise sur la nationalité, Togolais-Malien-Africain par ascendant, l’artiste nous a accordé un interview très croustillant, lisons…
Slam Is Love : Nos cœurs bénissent les mots pour ce temps que vous nous offrez. Quel effet les mots ont sur vous ?
Djamile Mama Gao : L’effet d’un baume. L’effet d’un pansement. L’effet d’un apaisement. L’effet d’un exorcisme intérieur et intime. L’effet d’une expiation. L’effet d’une lévitation. L’effet d’une plongée profonde dans une autre dimension de soi-même. L’effet d’une vibration, d’une convulsion qui conduit à une stabilité.
Slam Is Love : A quoi doit servir l’art dans l’Afrique d’aujourd’hui ?
Djamile Mama Gao : A être soi. A se redéfinir. A se définir. A se chercher. A se commencer. A se trouver. A se questionner. A ouvrir des brèches là où l’opacité, la fixité, les prétendues normes nous emprisonnent. A se libérer. A se battre. A combattre. A résister. A agir. A réagir. A rêver. A se réveiller. A veiller. A vouloir. A s’évader. A se vider. A se revigorer. A se recharger. A se replonger. Dans sa mémoire. Dans son subconscient. Dans sa culture. Dans son appartenance. Dans sa spiritualité ontologique. Dans ses pensées. Dans son corps. Dans son être. Dans son âme. L’art doit servir à s’être. A se connecter à son identité, ses identités, à sa pluralité, à sa singularité. L’art doit répondre à l’urgence de vivre, à la nécessité de s’aimer soi-même et mutuellement, à contribuer à la réintégration des oubliés, des minorités, des. L’art dans l’Afrique d’aujourd’hui doit intervenir pour faire percevoir la priorité de chasser les multinationales qui nous polluent et appauvrissent. Dans l’Afrique d’aujourd’hui, l’art doit nous pousser à renvoyer de nos territoires les bases militaires étrangères qui nous assaillent plus que nous apportent de la plus-value. Dans l’Afrique d’aujourd’hui l’art doit amener la jeunesse à s’aguerrir dans le patriotisme et le panafricanisme nuancés. L’art chez nous doit aider à se bâtir une lucidité face aux éléments nouveaux, troubles et troublants qui nous entourent. L’art doit servir à se connaître, à s’accepter, à se commettre, à inventer l’inexistant, à engendrer le futur (un futur de lueurs). L’art dans l’Afrique d’aujourd’hui doit nous apprendre à devenir des êtres authentiques, des humains qui s’attachent à l’essentiel, qui respectent la différence, qui accordent aux autres leurs libertés de foi, de sexualité, de souffle, de peau, de religion, de convictions. L’art dans l’Afrique d’aujourd’hui doit nous enseigner comment être positivement riche, comment utiliser à l’avantage de tous/toutes nos richesses continentales, comment faire usage positif de nos atouts cultuels, comment inciter les peuples à contrôler les agissements dirigeants et comment obliger nos dirigeants à travailler dans l’intérêt de nos peuples. L’art doit aussi et avant tout nous divertir, nous faire oublier, nous instruire au lâcher-prise, à la joie de vivre.
Slam Is Love : Est-ce que vous avez un propos artistique ?
Djamile Mama Gao : Contribuer à redéfinir la notion d’identités (africaine, humaine, etc.) selon une perception à la fois plurielle et personnelle. Passer par le prisme d’une imagerie fantasque, pour participer à la déconstruction des dogmes. Pour contribuer à réinventer les normalités absolues. Pouvoir s’appuyer et se saisir de plusieurs médiums créatifs (écriture, oralité, arts visuels, etc.), pour inciter au respect de la différence, à l’ouverture à l’autre, au regain d’un plus d’humanité partagée. Pour améliorer notre rapport aux femmes, à la féminité. Pour inviter à s’ancrer dans des convictions d’autodétermination et d’accomplissement du soi. Pour amener à une repossession du corps, de l’imaginaire, de l’appartenance, de la sexualité, de la liberté, de la spiritualité, de l’être dans sa globalité. Pour pousser à ré-envisager les paradigmes de l’ordre social, culturel, politique, dans une Afrique conservatrice et parfois contradictoire.
Slam Is Love : Comment s’articule votre processus de création ?
Djamile Mama Gao : Exactement à mon image : de manière multiple et imprévisible. Ce n’est jamais toujours de la même manière. Et ce n’est pas forcément tout le temps avec le même mindset. Donc il m’arrive de construire mon processus méticuleusement, avec une directive précise, une intention identifiée au départ, et une méthodologie pour y parvenir (entre recherches, lectures, écoutes, visualisations et autres). Ou plutôt se construire soit spontanément, soit lentement, soit passionnément, soit aveuglément jusqu’à aboutir à quelque chose qui me ressemble. Mais à chaque fois avec un élan de perfectionnisme, une volonté d’y mettre de l’esprit, un effort de renouvellement et du cœur.
Slam Is Love : Vos astuces pour une écriture raffinée?
Djamile Mama Gao : Lire. Lire. Lire. Oser commencer à écrire. Etre prêt à effacer. Effacer. Barrer. Relire. Relire encore. Relire toujours. Se documenter sur les techniques d’écriture. S’imposer une rigueur quotidienne ou périodique d’écriture. Transgresser la notion d’inspiration et intégrer l’esprit du travail esthétique comme atout d’écriture. Lire à nouveau. Lire davantage. Procéder par imitation en trouvant ses propres mots, ses propres tournures, ses propres formulations. Accepter, digérer et s’affranchir de ses influences. Continuer à lire. Continuer à essayer d’écrire même quand on ne se croit pas à la hauteur. Ecrire quand même. Ecrire souvent. Se remettre en cause. Reprendre. Retourner lire. Comparer avec des références. Se rendre compte de ses lacunes. Peaufiner sa technicité. Prioriser le sens, la portée de l’image, les mots simples, plutôt que le respect des rimes. S’exercer régulièrement. Laisser venir naturellement les figures de style. Ou du moins ne pas les forcer même s’il faut aller les dénicher. Lire. Lire. Lire. Insister à écrire. Selon une routine. Toujours lire. Continuer à écrire aussi.
Slam Is Love : Comment s’envisage la suite de votre campagne « Je suis Albinos » ?
Djamile Mama Gao : Comme dans un cycle rotatif. C’est pour cela qu’après l’avoir entamé en juin 2020, une pause est survenue en septembre 2020, avant de reprendre en février 2021. Ce sera ainsi pendant environs deux ans au moins. Afin de faire percevoir au public qu’il s’agit, d’une préoccupation de tous les temps et pas que d’un sujet passager. La suite, c’est donc des séries photos contextualisés, des interviews d’albinos, un ou des documentaires, un mini-album (EP), des clips, et autres contenus de sensibilisation voués à informer, dissuader. Puis des actions de terrain qui prendront en compte les challenges sociologiques, socioculturels, sanitaires, sécuritaires, etc.
Slam Is Love : Existerait une femme ou un homme politique vivant dont vous avez une admiration ?
Djamile Mama Gao : Une femme oui ! La Malienne Aminata Dramane Traoré. Pour sa pertinence. Pour son audace. Pour la qualité de son propos. Pour sa lucidité. Pour son franc-dire fait de nuances et son ton sincère. Pour ses références pleines d’historicité. Pour ses questionnements subtils. Pour sa détermination, ses pistes de solutions et ses appels à réflexions/actions. S’il m’est permis d’en citer une autre, ce serait pour moi l’ivoirienne Nathalie Yamb. Pour à peu près les mêmes raisons.
Slam Is Love : Entre la plage et la montagne votre choix ? Pourquoi ?
Djamile Mama Gao : Oh ! Ça, ça dépend du mood ! Le choix de la montagne, ce serait : pour le frisson gravitationnel. Pour la palpitation nimbée de sueur. Pour la tension du cheminement. Pour la leçon de résistance et d’endurance. Pour la sensation forte d’atteindre les sommets. Pour la montée d’adrénaline en soi. Pour les cris qui se crispent avant de ramener l’écho rocheux des monts. Quant à la plage, ce serait : pour la plongée lointaine dans l’infini quête de soi. Pour l’apaisement visuel qui embellit les yeux de fluidité. Pour le bruit fluctuant des vagues qui dit les salves songeurs du sel. Pour les cris qui s’évaporent dans l’échappée du vent voltigeur. Mon choix ne peut donc pas être figé. Ça dépend vraiment du moment et du mood !
Slam Is Love : Question ambigüe : l’envie est entre les seins ou les fesses ?
Djamile Mama Gao : Entre les jambes plutôt. Là où la vulve est territoire d’exploration et de traversée buccale. Là où la méticulosité est une œuvre de redécouverte incessante, de réviviscence des sens et de recommencement qui ne tient à aucune certitude immuable.
Slam Is Love : Quel est votre fruit préféré ? Pourquoi ?
Djamile Mama Gao : Le fruit défendu. Celui qu’il faut croquer d’amour lorsqu’on déguste l’amour. Parce qu’il offre l’extase, parce qu’il ouvre à la plénitude intérieur, parce qu’il magnétise l’être, parce qu’il dévoile l’âme, parce qu’il crée des connexions transcendantales, parce qu’il m’ouvre à d’autres nuances de moi, parce qu’il est oubli et lâcher-prise, parce qu’il est bien-être et extase inoubliable.
Slam Is Love : Un mot qui décrit vos œuvres ?
Djamile Mama Gao : En un mot ce serait « quête ». Comme action de chercher. Comme désir de découvrir. « Quête » comme ambition, comme appétit, comme aspiration, comme besoin individuel, comme but, comme exigence progressive, comme fantaisie, comme fantasmes, comme passion, comme prétention, comme recherche, comme rêve, comme soif, comme visée, comme vœu, comme voix, comme volonté de. « Quête » parce qu’elle est effrénée, incessante, permanente, insatiable, identitaire, bouleversante, obsessionnelle, dans mes œuvres.
Slam Is Love : Votre album « NA YI NOUKON » est-il porté vers la défense d’une cause ?
Djamile Mama Gao : Primordialement celle d’être capable de produire un album atypique (du fond jusqu’à la forme physique) à partir du continent, sur le continent, avec des talents du continent et pour le continent. Ensuite, la cause défendue est plus conceptuelle et de vision artistique qu’autre chose. Je voulais faire entrevoir un slam au-delà des évidences de l’élitisme et aussi de l’obsession à l’esprit de la poésie écrite. J’ai donc tenté d’amener mon slam vers une dimension plus accessible, plus populaire, plus décalée. Ma cause défendue en procédant ainsi c’est de faire (a)percevoir le slam comme étant aussi un genre musical à part entière (et pas que littéraire) mais aussi un genre de mouvement à la fois des mots, que des rythmes.
Au-delà, je peux évoquer toutes les causes thématiques qui me définissent : l’optimisme, la foi en l’avenir, la détermination, l’authenticité, le féminisme, l’érotisme et la sensualité, l’amour et le respect de l’humanité dans sa pluralité, …
Slam Is Love : Vos projets du moment ?
Djamile Mama Gao : La sortie de mon nouveau livre : « Le calepin d’une vicieuse ». Un recueil de récits érotiques pensé pour exprimer, défendre, incarner et participer à la libération du désir féminin sous nos cieux. Quiconque aura ce livre dans sa vie, pourra laisser son esprit voyager librement vers un monde où il est possible d’être soi-même sans être jugé. Quiconque aura ce livre dans sa vie, pourra échapper aux impositions de la société qui l’accable et pourra profiter de fantasmes originaires de femmes de plusieurs horizons du continent. Quiconque aura ce livre dans sa vie, ne verra plus le plaisir de la femme africaine de la même façon.
Mais il faut dire aussi que je travaille sur les prochains contenus liés à la campagne « Je suis Albinos ». Et que j’avance sur la préparation de prochains titres inédits, de vidéo lyrics, de clips et d’un mini-album qui pourrait possiblement sortir au cours de l’année.
Slam Is Love : Akpé kaka pour ce moment de partage, que les muses vous amusent. Love bless you !
Djamile Mama Gao : Moussou Akpé Oh !
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